Routine organisationnelle
Routine organisationnelle [Strat. man.]
Procédure de décision révélant la mise en mémoire par l’organisation d’un apprentissage pouvant s’appliquer à des classes entières de problèmes. Une routine est, selon les théories, plus ou moins codifiée, mais elle permet aux membres de l’organisation de l’utiliser sans avoir à justifier à nouveau de sa pertinence face à des situations analogues à celles de sa découverte. Dans ce cadre, la décision n’est pas un instant de calcul. Elle est le résultat d’une démarche procédurale permettant à un agent dont la rationalité est supposée limitée de compter sur la crédibilité de cette procédure pour espérer de son usage une satisfaction minimale correspondant à son niveau d’aspiration. Une routine organisationnelle consiste selon E.O.Stene (1940) en une contrepartie artificielle de l’habitude dans l’organisation. Elle permet de préserver les modèles de comportement utiles, d’économiser les efforts de mémoire en écartant de la pensée consciente les aspects répétitifs d’une situation (Simon 1945). On libère ainsi une capacité d’attention pour des situations originales, ce qui est essentiel lorsqu’on admet le postulat d’une rationalité limitée des agents.
On peut identifier au moins cinq caractéristiques des routines organisationnelles (Eidigi et alii, 1994) :
a) la réduction du montant des connaissances nécessaires à l’action;
b) la régularité et la prévisibilité des comportements utilisant les routines, ce qui facilite leur coordination;
c) leur automaticité;
d) leur caractère partiellement tacite;
e) leur caractère partiellement inconscient;
Les routines forment, selon l’analyse évolutionniste en économie (Évolutionnisme), le génome de l’organisation. Elles permettent de préserver, de transmettre et de faire évoluer les compétences des firmes. La théorie évolutionniste distingue trois niveaux de routine (Nelson et Winter, 1982) :
a) les routines standards, de premier niveau, qui dirigent les comportements de courte période;
b) les routines liées aux investissements de la firme, et qui peuvent affecter les procédures précédentes, mais avec une marge de manœuvre étroite;
c) les routines à processus changeant dont les effets sont comparables aux mutations génétiques dans la théorie évolutionniste en biologie. Elles modifient les routines de niveau inférieur
lorsque le niveau de satisfaction n’est plus atteint. Ainsi, l’innovation peut aussi être le produit d’une routine.
Ce dispositif est foncièrement inspiré des travaux de J. A. Schumpeter qui note la tendance marquée de l’individu à conserver ses habitudes et à ne s’en séparer que sous la contrainte ou la nécessité et encore, dans un renoncement qui n’est jamais total. Ainsi, « même quand il cédera, il procédera selon les règles de l’expérience. Ainsi le tableau de l’économie ne se modifiera pas arbitrairement mais se rattachera, à chaque instant, à l’état précédent » (Schumpeter 1935).