Internet et Numérique : Un positionnement délicat pour l’Etat
Le sixième point concerne les enjeux et les risques inédits pour la régulation. Toutes ces évolutions appellent régulation et gouvernance : en effet, elles sont disruptives, elles bouleversent à la fois le fonctionnement des marchés, les comportements individuels et les structures sociales. Face à ces mutations opérant sur de multiples registres, les acteurs publics ont souvent du mal à appréhender certains problèmes. Il suffit d’évoquer par exemple le débat entre Google et la Bibliothèque nationale de France (BNF) ou bien la saga Hadopi. Sur toutes ces questions, les décisions prises n’ont d’ailleurs pas réussi à construire de consensus. L’acteur public doit donc gérer une politique industrielle, constituer des lieux de débat sur des sujets mal connus, faire de la régulation transnationale et appréhender des risques parfois inédits : Comment rémunérer la création ? Quelles nouvelles formes de concurrence dans un marché mondialisé ? Il ne s’agit pas seulement de questions d’économie. La gestion des risques est également en débat comme celle touchant à l’instabilité des infrastructures. Il y a deux ans, un câble Internet s’est rompu en Asie sous l’effet d’un tremblement de terre.
Une grande partie du continent s’est trouvée coupée du monde en matière de télécommunications. Or désormais, tous les systèmes financiers, énergétiques, de sécurité et de santé dépendent de systèmes d’information et de tels réseaux. Comment garantir leur fiabilité, leur résilience et la sauvegarde des données ? Les problèmes de confidentialité industrielle ou de risques sanitaires se posent ainsi de manière totalement nouvelle. Bref, on a donc affaire à des risques inédits sur lesquels l’État peine à se positionner.
Dès lors, quels principes de régulation économique faut-il construire pour penser à la fois la centralité et la transversalité ? Comment stimuler la conception collective ? Comment prendre en compte le point de vue des ressources et de la création, et pas seulement celui des prix et de la concurrence ? Les débats sur la loi Hadopi ont bien montré que la rémunération des auteurs était un point central. Armand Hatchuel le rappelle : on ne saurait négocier en permanence sa contribution dans un collectif de production. C’est pourtant ce qui se passe sur les sites en ligne. YouTube rémunère en partie pour les vidéos mises en ligne, mais seulement à partir d’un certain niveau de diffusion ; il existe plus largement de nouvelles formes de rémunération qui font que le modèle classique de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur a complètement volé en éclat.
Comment enfin soutenir les investissements en infrastructure, construire des réseaux en fibre optique, alors que ceux qui tirent le plus fortement parti des réseaux sont les développeurs d’application ? C’est aujourd’hui Google et YouTube qui bénéficieront de la possibilité d’échanger en haut débit de la musique ou des contenus visuels, alors que ce ne sont pas eux qui investissent dans les réseaux de communication permettant cette communication. Cet arbitrage entre la couche applicative et la couche d’infrastructure fait également partie des questions. L’écho récent du débat sur la neutralité de l’Internet en est une parfaite illustration.
Reste à établir une feuille de route à la fois sur des registres de gouvernance technique et économique. Comment prendre en compte l’impact de l’interopérabilité et les nouveaux enjeux grand public ? Comment penser les registres de politiques industrielles et d’accompagnement du secteur, l’État étant aussi bien régulateur que donneur d’ordre et client ? Comment penser une régulation économique à construire au-delà de la seule régulation concurrentielle ?
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