Le marché du travail : L’exemple du choc pétrolier
Premier moment historique : le choc pétrolier, fin 1973. Selon les manuels d’histoire, cet événement est à l’origine de la crise. Dans les faits, il ne s’agit pourtant que d’un choc macroéconomique, qui coûte pour les pays de l’ocde entre 2 et 4 % de leur richesse nationale. D’aucuns jugeront que de tels pourcentages sont considérables. C’est oublier qu’en 1973, l’économie française tournait à 6 % de croissance par an. Autrement dit, le choc pétrolier n’a « mangé » que six mois de croissance française. À l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, qui vient d’être élu, et Jacques Chirac, son Premier ministre, se tournent vers les économistes, comme la plupart des gouvernements des pays de Focde. La France, on le sait, abritait une école d’ingénieurs économistes, lesquels disposaient de modèles de prévision. Le choc pétrolier était vécu, de leur point de vue, comme un simple trou d’air, à telle enseigne que, début 1974, les prévisions économiques françaises étaient excellentes. Personne n’imaginait que notre économie entrerait en récession, qui plus est avec un taux de 3 % de croissance. Un tel taux aujourd’hui tient du rêve… À l’époque, il était vécu comme un fort ralentissement, mais pas comme une catastrophe. Aussi l’économiste Edmond Malinvaud pouvait-il alors affirmer que le temps des Trente Glorieuses allait se poursuivre.
Les économistes estiment qu’il ne s’agit que d’une situation de transition. Aussi va-t-on assister à des politiques d’attente. Jacques Chirac crée ainsi une allocation spéciale d’attente, qui permet aux chômeurs de toucher 90 % de leur salaire pendant un an, pourcentage que l’on jugerait inimaginable aujourd’hui. Une politique d’économie d’énergie va se mettre en place. On va tenter de développer des énergies renouvelables. Mais on reste attentiste, en essayant de gérer ce problème nouveau qui commence à échapper au savoir des économistes. D’un côté, les experts affirment que la croissance va se poursuivre ; de l’autre, apparaît un autre phénomène : une croissance moindre combinée à l’inflation. Un tel schéma ne rentre pas dans les cadres keynésiens qui avaient fondé la politique pendant trente ans. À l’époque, toute l’économie répondait à la courbe de Phillips. Or elle commence à se déformer de manière dramatique. Et l’on s’aperçoit que le chômage va perdurer.
Ce faisant, les politiques se retrouvent en partie désarçonnés, en particulier en France, où l’on compte alors plus d’un million de chômeurs. Une nouvelle fois, on ira chercher l’espoir du côté des économistes. En 1976, Giscard d’Estaing en nomme un, Raymond Barre, auteur de manuels à succès, au poste de Premier ministre, mais il demeure ministre de l’Économie et des Finances, poste qu’il n’abandonnera qu’en 1978, lorsqu’il désignera René Monory à l’Économie et Maurice Papon au Budget.
Raymond Barre dispose d’outils principalement macroéconomiques. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements des fondements microéconomiques des fonctionnements du marché, qui plus est du marché du travail. La principale revue des économistes du travail, Journal ofLabor Economies, sera créée qu’en 1983. On disposait donc de peu d’éléments, et l’on s’intéressait peu aux conséquences des politiques. On peut dire aujourd’hui que Raymond Barre a fait de très grosses bêtises. De telles erreurs ont cependant permis à l’économie de progresser, de construire les outils théoriques mais aussi empiriques pour les comprendre et améliorer les politiques.
Un exemple type d’erreur majeure de Raymond Barre a trait à la politique des jeunes. A son arrivée aux affaires, en 1976, le chômage des jeunes augmente, par un effet de file d’attente. Les baby- boomers sont encore nombreux. La croissance économique s’est ralentie. Un phénomène nouveau apparaît : l’effondrement des gains de productivité. La croissance est moins forte parce que le progrès technologique est moins performant et participe donc moins à la croissance. Rétrospectivement, on analyse ce phénomène comme une situation de transition d’une révolution industrielle à une autre. Ce faisant, le chômage des jeunes augmente. En 1976, les jeunes étaient embauchés, lorsqu’ils l’étaient, en grande majorité sur des CDI (contrats à durée indéterminée). Lorsque vous sortiez du système scolaire, vous étiez soit chômeur, soit en CDI. Une fois nommé Premier ministre, Raymond Barre annonce un plan pour l’emploi des jeunes pour l’année qui suit, soulignant que sa politique baissera le coût du travail pour une entreprise qui en embauche un. Excellente idée, dira-t-on. Ce faisant, on se dit que l’on prendra des jeunes à la place des plus de vingt-cinq ans.
Or, que va faire un employeur qui sait que le coût de l’emploi d’un jeune lui coûtera moins cher si l’embauche se fait dans un an ? Il attendra et n’en embauchera surtout pas tout de suite. On ne s’est pas posé cette question à l’époque. Raymond Barre fait son annonce pendant l’été 1976. Conséquence : un effondrement du recrutement des jeunes, dont le chômage devient de plus en plus important. Un an après, son plan se met en place. De quoi s’agit-il ? Pendant douze mois, embaucher un jeune devient moins cher, dès lors qu’il est pris sur un contrat d’au moins six mois. Que font les employeurs ? Ils savent que recruter un jeune pendant un an leur coûtera moins cher. Aussi vont-ils en embaucher un pour cette durée, puis le remplacer par un autre au terme de son contrat. Une telle disposition participe d’une transformation radicale du marché du travail. La difficulté des jeunes – on ne cesse de le répéter aujourd’hui – est liée à leur entrée sur le marché du travail mais aussi à la précarité. Avant Raymond Barre, il n’y en avait pas. Son plan va totalement bouleverser la donne. Les jeunes seront désormais embauchés en CDD (contrat à durée déterminée) d’un an, période au terme de laquelle ils entrent dans un schéma de précarité.
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l’influence du choc pétrolier de 1973 sur le marketing