Une remise en cause du mode de calcul du revenu disponible:
Traditionnellement, le RDB (revenu disponible brut)des ménages est considéré comme un indicateur satisfaisant de l’évolution de la situation des ménages. La variation de son pouvoir d’achat est calculée en utilisant l’indice des prix à la consommation. Nous allons montrer que cette façon de prendre en compte les effets de l’inflation est très insuffisante, bien qu’elle bénéficie d’un consensus relatif depuis que les polémiques sur l’indice des prix ont quasi disparu.
Presque tous les économistes sont d’accord — une fois n’est pas coutume — sur la célèbre définition du revenu donnée par J.-R. Hicks dans les années trente : « Le revenu d’une personne n’est autre que ce qu’elle peut consommer durant la semaine, tout en comptant être aussi riche à la fin de la semaine qu’au début » Il est clair que le RDB ou le RDAB ne sont pas une bonne approximation de cette notion parce qu’ils sont bruts, c’est-à-dire contiennent une consommation de capital fixe qui n’est manifestement pas un revenu.
La présence de la consommation de capital fixe fait du RDB une mauvaise mesure du revenu, mais elle n’empêche pas, à court terme, l’évolution du RDB d’être un bon indicateur de ¡’évolution du revenu. Car la consommation de capital fixe représente une proportion quasi constante (5 %) à court terme du RDB. Il n’en est pas du tout ainsi des effets de l’inflation que nous analysons maintenant.
Le RDB des ménages comprend des intérêts (car ceux qu’ils reçoivent sont supérieurs à ceux qu’ils versent). Le montant de ces intérêts dépend de l’importance de leurs créances et de l’inflation. Lorsque l’inflation augmente, le taux d’intérêt s’élève de façon à dédommager (en partie) les prêteurs des pertes qu’ils subiront lorsque leurs créances leur seront remboursées dans une monnaie dévalorisée. « Une partie de l’intérêt joue donc en fait un rôle de remboursement », comme l’écrit Malinvaud (cité par J.-P. Milot in [Archambault, Arkhipoff, 1986]). Autrement dit, les intérêts comprennent une prime pour dédommager le prêteur de la perte qu’il réalisera au moment du remboursement. L’absurdité de la CN est ici patente : elle considère que cette prime augmente le RDB des ménages, mais elle « oublie » d’enregistrer la perte comme amputation de ce même revenu. Dans le cas des dépôts à vue dans les banques, le traitement est analogue : la perte due à l’inflation est ignorée ; mais dans ce cas il n’y a pas de prime, puisqu’ils sont non rémunérés. Cette pratique de la CN — intégrer la prime pour dépréciation mais pas la dépréciation elle-même dans le calcul du RDB — biaise l’évaluation du revenu au sens de Hicks car les pertes dues à l’érosion monétaire peuvent être très importantes. Mais surtout elle empêche de considérer le RDB comme un bon indicateur de l’évolution du revenu car les pertes sont très irrégulières.
L’INSEE a évalué les effets de l’érosion monétaire décrits précédemment en appliquant la variation (en glissement) de l’indice des prix à la consommation au cours de l’année à la valeur du patrimoine financier « non indexé » des ménages en début d’année (actifs financiers nets de passifs, à l’exception des titres — actions notamment — dont la valeur n’est pas définie en termes nominaux). De 1974 à 1985, mesurée avec les comptes de la base 1971, l’érosion de ce patrimoine financier non indexé a représenté en moyenne 5,4 % du RDB des ménages, 34,2 % de leur épargne brute et 97,5 % de leur épargne financière (capacité de financement). Autrement dit, le revenu disponible ne l’est pas autant que son appellation pourrait le laisser croire. Avant de pouvoir consommer sans s’appauvrir (Hicks), les ménages ont dû en affecter une part significative au simple maintien de la valeur réelle de leur patrimoine financier « non indexé ». La CN pourrait laisser penser que les ménages ont eu une épargne financière de 1974 à 1985. C’est une illusion ; cette épargne n’est qu’apparente puisqu’elle a tout juste suffi à compenser les effets de l’érosion monétaire. Mais le phénomène n’a pas été régulier, ce qui rend les évaluations actuelles de la croissance du revenu assez fantaisistes et conduit à proposer une autre façon de compter. Soit l’exemple dont les données suivent.
Pendant l’année 2, le RDB corrigé des effets de l’érosion monétaire augmente moins vite que le RDB. En 1, les ménages n’ont à affecter que 2 % de leur RDB au maintien de la valeur réelle de leur patrimoine financier « non indexé ». 98 % seulement de leur RDB sont réellement disponibles pour la consommation ou l’épargne. Cette proportion tombe à 94 % en 2 ; ce ne sont donc pas 105 qui sont réellement disponibles, mais 94 % de 105, soit 98,7. La croissance du revenu réellement disponible n’est donc pas de 5 % mais de 0,7 %. Un phénomène contraire se produit en 3. Point capital : sur l’ensemble de la période, RDB et RDB corrigé croissent strictement de la même manière (110,25/100 = 108,045/98) car l’importance de l’érosion est identique en 1 et 3. Les leçons de cet exemple sont essentielles.
épargne brute (EB); reste du monde(RDM); RDB (revenu disponible brut);
Production(P); Comptabilité Nationale(CN)
RDB (revenu disponible brut)
Vidéo : Une remise en cause du mode de calcul du revenu disponible:
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Une remise en cause du mode de calcul du revenu disponible: