le PIB est-il un indicateur de bien-étre?: le pib est il un bon indicateur de bien etre
« L’ensemble des phénomènes sociaux n’est pas réductible aux seules dimensions économiques : la comptabilité nationale, qui mesure en termes monétaires la création et les échanges de droits économiques, n’a pas pour objet de mesurer le bien-être, le bonheur ou la satisfaction sociale », indiquent les comptables nationaux dans leur présentation des méthodes du SECN (Collections de l’INSEE, C 44, janvier 1985). Ce type d’avertissement et les très nombreux travaux théoriques concluant à l’impossibilité d’une telle mesure n’ont en fait jamais empêché les hommes politiques, mais aussi certains économistes, d’assimiler le PIB ou le revenu national par tête à un indicateur de bien-être.
Début janvier 2008, il a été décidé de créer une commission présidée par Joseph Stiglitz (associé à un autre prix Nobel, Amartya Sen) pour travailler sur « les limites du PNB comme critère de mesure de la performance économique et du bien-être » (rapport prévu pour le printemps 2009). Elle s’inscrit dans le prolongement de nombreuses autres initiatives : officielles comme la commission mondiale Brundtland sur le développement durable (1987), la mesure du développement humain par le PNUD (1990), le projet de l’OCDE sur la mesure du « progrès des sociétés », le groupe de travail ONU/OCDE/Eurostat sur le développement durable, la conférence « Beyond GDP » de novembre 2007, etc., et non officielles (comme l’empreinte écologique…).
Trois séries de questions sont ainsi posées : le PIB rend-il bien compte de la performance économique ? Au-delà, comment mesurer le progrès social, voire l’évolution du bien-être ? Le développement est-il durable ?
La première question rappelle que la mesure du PIB repose inévitablement sur des conventions. L’intégration au PIB du non-marchand est loin de résoudre les problèmes posés par la mesure des services non marchands des administrations. Inutile d’insister sur les inconvénients de la mesure de la production par des coûts de production. Par ailleurs, dans l’état actuel des comptes, les capitaux immobilisés dans des infrastructures publiques sont non rémunérés, ce qui se traduit implicitement par une absence de mesure ou une sous-estimation des services qu’elles rendent. Même si elle reste problématique, l’introduction du non- marchand présente pourtant l’avantage de rendre le PIB moins dépendant du statut de certaines activités : le passage des hôpitaux publics du SI des SNF à celui des APU à partir de 1987 ne diminue pas le PIB, il modifie simplement la répartition entre marchand et non-marchand; dans le système antérieur à 1971, il aurait conduit à une baisse importante de la production intérieure brute (agrégat de l’époque qui ne comprenait que du marchand) alors que la privatisation des routes l’aurait augmentée (dans la CN actuelle cette décision n’augmenterait le PIB que des profits des entreprises gestionnaires).
Début janvier 2008, il a été décidé de créer une commission présidée par Joseph Stiglitz (associé à un autre prix Nobel, Amartya Sen) pour travailler sur « les limites du PNB comme critère de mesure de la performance économique et du bien-être » (rapport prévu pour le printemps 2009). Elle s’inscrit dans le prolongement de nombreuses autres initiatives : officielles comme la commission mondiale Brundtland sur le développement durable (1987), la mesure du développement humain par le PNUD (1990), le projet de l’OCDE sur la mesure du « progrès des sociétés », le groupe de travail ONU/OCDE/Eurostat sur le développement durable, la conférence « Beyond GDP » de novembre 2007, etc., et non officielles (comme l’empreinte écologique…).
Trois séries de questions sont ainsi posées : le PIB rend-il bien compte de la performance économique ? Au-delà, comment mesurer le progrès social, voire l’évolution du bien-être ? Le développement est-il durable ?
La première question rappelle que la mesure du PIB repose inévitablement sur des conventions. L’intégration au PIB du non-marchand est loin de résoudre les problèmes posés par la mesure des services non marchands des administrations. Inutile d’insister sur les inconvénients de la mesure de la production par des coûts de production. Par ailleurs, dans l’état actuel des comptes, les capitaux immobilisés dans des infrastructures publiques sont non rémunérés, ce qui se traduit implicitement par une absence de mesure ou une sous-estimation des services qu’elles rendent. Même si elle reste problématique, l’introduction du non- marchand présente pourtant l’avantage de rendre le PIB moins dépendant du statut de certaines activités : le passage des hôpitaux publics du SI des SNF à celui des APU à partir de 1987 ne diminue pas le PIB, il modifie simplement la répartition entre marchand et non-marchand; dans le système antérieur à 1971, il aurait conduit à une baisse importante de la production intérieure brute (agrégat de l’époque qui ne comprenait que du marchand) alors que la privatisation des routes l’aurait augmentée (dans la CN actuelle cette décision n’augmenterait le PIB que des profits des entreprises gestionnaires).
Le PIB ne prend en compte qu’une partie de l’économie « non officielle ». La fraude et l’évasion fiscale sont évaluées en tenant compte de taux moyens de fraude par catégorie d’entreprise et secteur d’activité estimés à partir des contrôles fiscaux. Le travail au noir est aussi évalué (à l’aide de méthodes plus sommaires), de même que l’activité des entreprises dites « absentes » (elles figurent dans les fichiers administratifs sans aucune donnée comptable). Au total, ces corrections représentent 11 % de la VA pour les entreprises privées non agricoles et 6,5 % pour l’ensemble du PIB, dont 3,8 % pour le travail au noir. On remarquera simplement que le problème n’est pas tellement que le PIB soit incomplet, mais le fait que ce qui lui échappe corresponde à une proportion sans doute changeante du PIB. Si cette part était stable, l’évolution du PIB mesuré serait un bon indicateur de l’évolution de la production de biens et services.
Le PIB est-il un indicateur de bien-être ? En 1974, Richard Easterlin avait montré que la satisfaction des individus n’était pas corrélée, à partir d’un certain seuil, avec la croissance économique, mais sa propre mesure du bien-être ne permettait pas une analyse chronologique.
La recherche d’indicateurs alternatifs n’est pas nouvelle : en 1972, Nordhaus et Tobin avaient déjà calculé un indicateur de bien-être économique (en valorisant le temps de loisir, le temps d’utilité sociale non salarié, l’accès aux services publics, en prenant en compte les variations du stock de richesses naturelles, de l’état de santé, du niveau d’éducation, etc.). Il en existe désormais une grande variété car les choix à effectuer sont nombreux : un indicateur synthétique, des indicateurs dédiés (tels que l’empreinte écologique) ou une batterie d’indicateurs ? S’il est synthétique, un indicateur obtenu par monétarisation des différentes grandeurs agrégées (par exemple, les « PIB verts » imputent les dépenses de réparation des dommages causés à l’éco-système), ou par pondération d’indices hétérogènes (espérance de vie, illettrisme, taux de pauvreté, etc.), comme c’est par exemple le cas pour les indicateurs du PNUD (IDH, IPH, IPF) ou, en France, pour le BIP 40 (le baromètre des inégalités et de la pauvreté du Réseau d’alerte sur les inégalités) ? Si l’on pondère, quelle dimension privilégier : économique, sociale (en particulier les inégalités), environnementale ? Doit-on intégrer des éléments subjectifs (enquêtes d’opinion) (sur les « nouveaux indicateurs de richesse »
Les résultats obtenus dépendent bien sûr beaucoup des hypothèses retenues, lesquelles reflètent souvent les valeurs de ceux qui les privilégient. Par contraste, l’un des intérêts du PIB est qu’il repose sur des conventions harmonisées à l’échelle internationale. Mais il ne sera jamais un indicateur de bien-être. Celui-ci dépend de nombreux facteurs (le temps libre, la qualité des relations sociales, le sentiment de sécurité, etc.) et des préférences des individus, qui ne sont ni observables ni agrégeables. On peut par exemple faire l’hypothèse d’une utilité marginale décroissante de la richesse monétaire, mais à partir de quel seuil et à quel rythme? En démocratie, il ne revient certainement pas aux économistes ou aux comptables nationaux de définir le bien-être des individus. Au mieux, le PIB est un indicateur des biens et services produits et consommés, donc une mesure de l’output d’une économie et non de l’outcome pour les individus, lequel résulte de l’usage qu’ils en font dans un contexte sociohistorique donné (l’une des explications du paradoxe d’Easterlin est l’évolution des normes sociales de référence au cours du temps, qui déterminent les aspirations jugées légitimes et leur envers, le degré de frustration relative). C’est moins son utilité intrinsèque qui est en cause que les dérives de son exploitation médiatique et politique.
La question environnementale est différente. Une comptabilité de l’environnement devrait intégrer des externalités environnementales : une évaluation des coûts environnementaux, actuellement non supportés par l’économie, car non payés, permettrait ainsi de mesurer notre « consommation de nature ». Mais il conviendrait également de mesurer ce que la nature nous « donne gratuitement » (ce type de flux venant au contraire augmenter le PIB « vert »). Le lecteur trouvera un dossier consacré au développement durable sur le site de l’INSEE.
produit intérieur brut (PIB); formation brute de capital fixe (FBCF); sociétés non financières(SNF); l’unité est classée dans le SI des administrations publiques (APU); secteur institutionnels(SI); produit national brut (PNB); Comptabilité Nationale(CN).
Le PIB est-il un indicateur de bien-être ? En 1974, Richard Easterlin avait montré que la satisfaction des individus n’était pas corrélée, à partir d’un certain seuil, avec la croissance économique, mais sa propre mesure du bien-être ne permettait pas une analyse chronologique.
La recherche d’indicateurs alternatifs n’est pas nouvelle : en 1972, Nordhaus et Tobin avaient déjà calculé un indicateur de bien-être économique (en valorisant le temps de loisir, le temps d’utilité sociale non salarié, l’accès aux services publics, en prenant en compte les variations du stock de richesses naturelles, de l’état de santé, du niveau d’éducation, etc.). Il en existe désormais une grande variété car les choix à effectuer sont nombreux : un indicateur synthétique, des indicateurs dédiés (tels que l’empreinte écologique) ou une batterie d’indicateurs ? S’il est synthétique, un indicateur obtenu par monétarisation des différentes grandeurs agrégées (par exemple, les « PIB verts » imputent les dépenses de réparation des dommages causés à l’éco-système), ou par pondération d’indices hétérogènes (espérance de vie, illettrisme, taux de pauvreté, etc.), comme c’est par exemple le cas pour les indicateurs du PNUD (IDH, IPH, IPF) ou, en France, pour le BIP 40 (le baromètre des inégalités et de la pauvreté du Réseau d’alerte sur les inégalités) ? Si l’on pondère, quelle dimension privilégier : économique, sociale (en particulier les inégalités), environnementale ? Doit-on intégrer des éléments subjectifs (enquêtes d’opinion) (sur les « nouveaux indicateurs de richesse »
Les résultats obtenus dépendent bien sûr beaucoup des hypothèses retenues, lesquelles reflètent souvent les valeurs de ceux qui les privilégient. Par contraste, l’un des intérêts du PIB est qu’il repose sur des conventions harmonisées à l’échelle internationale. Mais il ne sera jamais un indicateur de bien-être. Celui-ci dépend de nombreux facteurs (le temps libre, la qualité des relations sociales, le sentiment de sécurité, etc.) et des préférences des individus, qui ne sont ni observables ni agrégeables. On peut par exemple faire l’hypothèse d’une utilité marginale décroissante de la richesse monétaire, mais à partir de quel seuil et à quel rythme? En démocratie, il ne revient certainement pas aux économistes ou aux comptables nationaux de définir le bien-être des individus. Au mieux, le PIB est un indicateur des biens et services produits et consommés, donc une mesure de l’output d’une économie et non de l’outcome pour les individus, lequel résulte de l’usage qu’ils en font dans un contexte sociohistorique donné (l’une des explications du paradoxe d’Easterlin est l’évolution des normes sociales de référence au cours du temps, qui déterminent les aspirations jugées légitimes et leur envers, le degré de frustration relative). C’est moins son utilité intrinsèque qui est en cause que les dérives de son exploitation médiatique et politique.
La question environnementale est différente. Une comptabilité de l’environnement devrait intégrer des externalités environnementales : une évaluation des coûts environnementaux, actuellement non supportés par l’économie, car non payés, permettrait ainsi de mesurer notre « consommation de nature ». Mais il conviendrait également de mesurer ce que la nature nous « donne gratuitement » (ce type de flux venant au contraire augmenter le PIB « vert »). Le lecteur trouvera un dossier consacré au développement durable sur le site de l’INSEE.
produit intérieur brut (PIB); formation brute de capital fixe (FBCF); sociétés non financières(SNF); l’unité est classée dans le SI des administrations publiques (APU); secteur institutionnels(SI); produit national brut (PNB); Comptabilité Nationale(CN).