La comptabilité : dépréciations
Le concept de dépréciation des actifs n’est pas étranger au cadre conceptuel comptable existant depuis toujours, mais il a pris toute sa dimension actuelle au cours de la dernière décennie. Historiquement, les périodes où les taux d’inflation élevés conjugués avec des perspectives de croissance stable, posaient plutôt des problématiques de réévaluation des actifs. Il n’en est plus rien et les déferlantes de dépréciations d’actifs, pour des montants sans aucun rapport avec la performance opérationnelle, ont justement mis en question la pertinence des normes comptables pour mesurer la performance réelle de l’entreprise dans la période récente.
Le basculement est intervenu en 1993, lorsque le normalisateur nord-américain imposa, pour la première fois dans une norme désormais célèbre (le FAS 121 à l’époque), l’obligation de procéder à des tests pour comparer la valeur au bilan des actifs et celle des cash-flows futurs que l’entreprise en attend. A l’époque, la première société à mettre volontairement), avec un an d’avance sur le délai imparti, enregistra pour la première fois de son histoire une perte significative, tout en voyant son cours de bourse prendre définitivement 6 % de hausse. L’information communiquée au marché par les comptes arrivait en fait après qu’il ait anticipé le problème sur la valeur des actifs, et celui-ci était finalement soulagé que le management le reconnaisse officiellement en ajustant les comptes.
La crise financière de 2008 liée aux « sub-prime » a confirmé cette idée autrefois inimaginable que le marché pouvait préférer l’annonce de résultats fortement négatifs s’ils correspondaient à des pertes de valeur d’actifs anticipées par les investisseurs.
Sur le plan du principe, il n’y a donc aucune opposition des utilisateurs des comptes aux tests de dépréciation des actifs et ceux-ci sont désormais généralisés dans les normes comptables internationales.
La question reste par contre en débat sur le plan pratique : quelles hypothèses de flux futurs retenir, comment les auditer et quel taux d’actualisation utiliser ?
Il ne faut pas oublier que valoriser un actif en utilisant des flux futurs de trésorerie actualisés conduit, mécaniquement au fur et à mesure que le temps passe, à un impact positif sur le résultat égal au produit du taux utilisé par la valeur résiduelle. Ainsi, déprécier un actif au taux du coût du capital de l’entreprise, par exemple 8 %, conduit si le scénario de cash-flow utilisé se produit effectivement à ce que l’entreprise génère, dans ses comptes, une rentabilité de capital employé de 8 %.
Ainsi, les « grandes lessives » comptables (big bath pour les Américains) peuvent mécaniquement permettre à des entreprises dont les actifs ont détruit de la valeur, de rendre compte ultérieurement d’une performance comptable positive.
Il y a là matière à réflexion pour l’harmonisation à venir entre les normes comptables internationales et les normes comptables nord-américaines qui divergent sur les modalités de test de dépréciation.