Comment penser les frontières de l’économie : Existe-t-il encore des banques ?
Où l’on en vient « à la recherche de la banque perdue » ! En effet, il y a pour le moins quelque paradoxe à constater que c’est au moment où les théoriciens croient le mieux appréhender la banque et les problèmes que pose sa réglementation, au moment où l’on peut nourrir le sentiment qu’on tient le mieux les choses en main que s’accumulent insidieusement les composants de la débâcle financière qui semble ne plus en finir depuis l’automne 2008. Comme si la réalité de la banque se dérobait au cadre d’analyse dans lequel les économistes croyaient l’avoir circonscrite et qui semblait de nature à mieux éclairer les mesures réglementaires et de politique économique propres à conjurer les errements catastrophiques du passé.
Plus que jamais, il faut en fait se demander ce que font aujourd’hui les banques. Ou, plus abruptement, s’il en existe encore… Que reste-t-il des banques qui ont façonné l’économie mondiale depuis des siècles ? À y regarder de près, elles sont devenues de véritables assembleurs de produits et services divers qu’elles acquièrent parfois auprès de sous-traitants, qu’elles combinent, avant de les distribuer elles-mêmes ou par le biais de réseaux extérieurs de nature bancaire ou non – Internet, la grande distribution, les constructeurs automobiles, etc.
On observe simultanément que les produits et les services bancaires tendent de plus en plus à se répartir en deux groupes : des produits banaux à faible valeur ajoutée, qu’il faut produire en masse à moindre coût ; et des produits complexes, parfois « sur mesure » {customized), à forte valeur ajoutée, pour une clientèle haut de gamme (comme dans le private banking) ou des grandes entreprises et autres clients institutionnels financièrement sophistiqués. Tant et si bien que la banque, aussi étonnant que cela puisse paraître, compte désormais parmi les entreprises qui externalisent de plus en plus, sous-traitent et délocalisent massivement leurs activités.
Aussi la réglementation-surveillance semble-t-elle de plus en plus impuissante à encadrer ces évolutions, malgré les prétentions et les objectifs affichés des autorités. Elle semble d’autant plus impuissante quelle donne le sentiment de courir après les évolutions des comportements et des pratiques des acteurs privés.
La crise de 2008 peut-elle être l’occasion de restaurer un environnement plus sain ? Une chose est sûre : on ne pourra pas revenir en arrière. On peut critiquer divers méfaits de l’automobile, mais on ne reviendra pas à la diligence ! Il faut ainsi bien prendre conscience que certaines innovations financières sont des acquis définitifs, qu’il y a des besoins criants de nouveaux produits, d’instruments financiers et de gestion des risques. On en dispose. Encore faut-il en user à bon escient et avec modération. Quant à la réglementation-surveillance, de quoi souffre-t-elle ? Les régulateurs sont confrontés, sans doute à leur insu, à un problème majeur : on ne peut pas prétendre, comme aux sommets de Londres puis de Pittsburgh, en 2009, que l’on va aborder la réglementation de manière coordonnée alors que les autorités de chaque pays passent leur temps à créer des conditions destinées à faire du leur une place financière plus attrayante au plan réglementaire que la voisine et à renforcer la compétitivité de leurs opérateurs financiers.
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