La voie étroite d’un développement énergétique durable au XXI siècle : Scénario d’adaptation ou d’atténuation du changement climatique ?
Dès lors, comment construire, au plan international, un accord permettant d’aller vers un régime climatique qui permette de résoudre cette tension entre l’inacceptable et l’inatteignable ? Le rapport Stern sur l’économie du changement climatique a été controversé sur certains de ses aspects. Il a eu cependant le mérite d’avoir bien posé le problème, en soulignant notamment le coût de l’inaction en matière de changement climatique. Que se passerait-il si l’on ne faisait rien ? Jacques Delors, fatigué d’entendre parler du coût de l’Europe, avait lancé un rapport sur le « coût de la non-Europe ». Nicholas Stern a adopté la même démarche. Sur le fond, le problème que doivent affronter nos sociétés est un arbitrage entre, d’une part, des scénarios qui mettront plutôt l’accent sur l’atténuation, par la réduction des émissions et la limitation du coût du changement climatique, et, d’autre part, des modèles qui supposent que l’on fasse moins d’effort pour réduire les émissions, mais que l’on accepte de vivre dans un monde où les coûts d’adaptation et les dommages résiduels seront plus importants.
Stern et les Européens sont plutôt du côté des scénarios d’atténuation. Les Américains ont penché pendant toute la période de l’administration Bush pour des scénarios reposant plus sur l’adaptation, dans le sillage d’économistes comme William Nordhaus, l’un des premiers à avoir exploré ces questions mais qui néanmoins souligne les risques que feraient peser sur l’économie des politiques volontaristes. Que l’on décide ou non d’une politique climatique, nos sociétés seront contraintes à faire des choix dans ce domaine.
Dans la négociation internationale, les choix possibles sont les suivants. Le scénario 2 °C exigerait une réduction des émissions en 2050 d’au moins un facteur 2 par rapport à l’année 2000. Il faudrait aussi, dans cette trajectoire, stabiliser les émissions mondiales avant 2020, objectif extraordinairement difficile à mettre en œuvre, compte tenu des dynamiques des pays en voie de développement. Mais il faut ici rappeler qu’avec 25 tonnes équivalent dioxyde de carbone par habitant, l’Amérique du Nord, qui ne représente qu’une petite fraction de la population du globe, est à l’origine de 19 % des émissions mondiales. Il y a donc une très grande inégalité entre les grandes régions pour les émissions par habitant, un facteur 10 entre l’Inde et les États-Unis, par exemple.
La question de l’équité internationale est particulièrement délicate à traiter. Lorsque l’on dresse l’inventaire des critères utilisés dans la littérature scientifique pour fixer des objectifs internationaux en matière de lutte contre le changement climatique, on est frappé par leur diversité. Celui de l’égalité des émissions par habitant a été défendu dans la négociation par les Indiens. L’égalité proportionnelle, qui propose une réduction équivalente en pourcentage pour tous, a plutôt constitué le point de vue des Américains. La France, elle, a mis un temps en avant un critère de mérite, estimant que ceux qui émettent moins devraient être contraints à moins d’efforts. Les Brésiliens ont, quant à eux, proposé la notion de responsabilité causale, en prenant en compte celle de chaque pays dans la constitution du problème, à savoir les émissions cumulées depuis le début de la révolution industrielle…
Bref, tout laisse penser que l’on ne parviendra pas à se mettre d’accord sur un critère unique d’équité qui permettrait de fixer les objectifs de réduction d’émission. En revanche, il faut rechercher des solutions pragmatiques pour fixer les objectifs de réduction des émissions, puis s’assurer que ceux-ci n’entrent pas en contradiction ou sont acceptables du point de vue des différentes acceptions de l’équité internationale. En particulier, tout système qui conduirait à maintenir les inégalités actuelles dans les émissions par habitant ne serait pas acceptable. À défaut de viser l’égalité, du moins peut-on tendre vers un certain degré de convergence. À vrai dire, l’égalité parfaite entre un Canadien et un Italien, par exemple, serait-elle juste ? L’égalité n’est pas toujours l’équité, c’est une question classique de philosophie politique.
Du point de vue de la construction du régime international, la conférence de Copenhague pourra être considérée comme un demi- succès ou comme un demi-échec. Le grand accord international, équivalent à celui de Kyoto, que certains attendaient n’a pas été conclu. L’Europe et les États-Unis n’ont pu s’accorder sur des objectifs de réduction à l’horizon de 2020 et les pays en développement n’ont pas accepté le principe d’engagements contraignants au plan international. Cependant l’horizon commun à long terme pour les pays industrialisés (dits Annexe I) se construit autour d’un objectif de réduction de 80 % des émissions. Du côté des pays émergents, et notamment du Groupe Basic (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine), l’accord de Copenhague se traduit par l’affirmation d’objectifs nationaux, exprimés en réduction par rapport à une projection de référence, ou en termes de réduction de l’intensité énergétique du pib (le ratio des émissions ramené au pib). Les résultats ne sont donc pas nuls et l’on a progressé dans la définition d’objectifs internationalement acceptables. Ce sera sans doute aux prochaines conférences de consolider une architecture encore fragile.
Quels pourraient être alors des objectifs de réduction pour les pays en voie de développement (ou non Annexe I) ? Ils ne représentaient que 28 % des émissions totales en 1980. Ce pourcentage est passé à 50 % en 2006. Le grand basculement du monde entre les anciennes puissances et les nouvelles est en train de s’accomplir, au plan énergétique comme au plan économique et politique. Cette même année, et pour la première fois, la Chine a émis plus de co2énergétique que les Etats-Unis, et l’Inde plus que le Japon. Dans ces conditions, quels profils d’émissions mondiales peut-on imaginer ? Le changement climatique risque d’être ce qu’en feront les grands pays émergents. La Chine l’a déjà compris, beaucoup d’éléments dépendront de sa capacité à mettre en œuvre des politiques vigoureuses, sous la contrainte des besoins du développement.
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