La voie étroite d’un développement énergétique durable au XXI siècle : Taxes nationales harmonisées ou/et systèmes de quotas d’émissions négociables ?
Quels outils les économistes proposent-ils pour réguler les émissions, si l’on souhaite éviter une régulation autoritaire de type planification centralisée ? Dès 1920, Arthur Cecil Pigou suggéra des taxes environnementales. Ronald Coase, de son côté, fut à l’origine de l’approche par les droits de propriété sur l’environnement, éventuellement négociables. Enfin, les normes et standards ont été historiquement le moyen le plus utilisé : on peut mettre en cause leur efficacité économique, mais ils n’en constituent pas moins une manière assez performante parfois de pousser les acteurs économiques à adopter des comportements favorables à l’environnement.
Quels sont les dispositifs instrumentaux discutés au plan international ? Deux grands systèmes sont candidats. Le premier est un système international de taxes carbone nationales harmonisées. Il est proposé notamment par William Nordhaus qui ne croit pas à la capacité de la communauté internationale à se mettre d’accord sur de grands objectifs et sur un partage du fardeau. Pour lui, chaque pays devrait fixer sa taxe nationale sur le C02, seul resterait à trouver un accord sur les conditions d’harmonisation entre les pays. L’autre approche a été initialement proposée par l’administration Clinton à Kyoto, puis reprise par l’Europe : il s’agit d’un système international d’objectifs contraignants, auquel sont associés des quotas d’émissions négociables.
À l’origine, les Européens étaient plutôt en faveur de la taxe internationale. En 1992 à Rio, Brice Lalonde portait une proposition de taxe sur le eo2. Mais à partir de 1995, les Américains ont proposé des objectifs nationaux quantifiés légalement contraignants. Les Européens n’ont pas été immédiatement convaincus, mais ils ont accepté le protocole de Kyoto en 1997 et en 2000, au moment de l’élection de George W. Bush, leurs points de vue semblaient s’être suffisamment rapprochés. Or, l’une des premières décisions de l’administration Bush en 2001 fut de sortir de Kyoto. Depuis, les économistes américains (Nordhaus, Stiglitz, Pizer, Sachs ou Summers) ont redécouvert les mérites de la taxe carbone, alors que Barack Obama s’est plutôt entouré de partisans d’un marche d’échange de crédits d’émissions (cap and trade) tels Carol Browner ou Todd Stern. La France et l’Europe seront-elles pour autant en dehors du jeu ? Cette dernière dispose, avec I’ets (European Emission Trading System) pour les grandes industries et le secteur électrique, d’une expérience dans la gestion des systèmes internationaux de quotas. Toutefois, il faut ensuite que chaque État mette en œuvre des dispositifs de régulation économique couvrant les émissions du btp, des transports, des services et de la petite industrie. En France, la taxe carbone ou contribution climat/énergie a été très discutée. Elle constituerait un instrument puissant, à condition que son niveau de départ ne soit pas trop bas. En effet, le consensus au sein de la commission Quinet du Centre d’analyse stratégique préconisait de partir de 32 euros par tonne de co, pour parvenir à 100 euros en 2030. Malgré tous les efforts de préparation du dossier, la décision finale a été négative et on ne peut que le regretter. Mais on peut aussi partager la conviction de Michel Rocard qui a présidé la dernière commission en charge du dossier en 2009 : il faudra bien y revenir et le plus tôt sera le mieux !
En conclusion, les contraintes physiques imposent un changement de cours pour le développement énergétique dans la première moitié du xxiesiècle. S’il n’est pas anticipé, il se fera probablement dans de nouvelles guerres pour l’énergie et dans un monde déstabilisé par le changement climatique. Mais nous disposons aujourd’hui d’un diagnostic scientifique « incertain mais fiable », pour reprendre la formule de Claude Henry, qui souligne que le principe de précaution n’est pas un principe d’impuissance. Il s’applique dans les cas où les impacts environnementaux sont différés, mais où, malgré les incertitudes, ce diagnostic scientifique reste fiable. La crédibilité du giec (Groupe intergouvememental d’experts sur l’évolution du climat) est, de ce point de vue, plutôt renforcée après les attaques des climatosceptiques.
Au-delà du défi technologique, qui est lui même considérable, les difficultés les plus redoutables résident peut-être dans le nécessaire dépassement des égoïsmes nationaux et du « profiter sans contribuer » (free-riding) dans la construction du régime international, et ensuite dans les efforts à mener pour instaurer l’acceptabilité des instruments économiques et la crédibilité des engagements publics.
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