Le marché du travail : La prévalence des schémas classiques
Après ce propos très pessimiste sur le rôle des économistes, on peut observer que trente années de travail leur ont permis de mieux apprécier le fonctionnement du marché du travail. Le prix Nobel d’économie est venu récompenser, en 2010, trois auteurs qui ont participé à ce mouvement. Cela dit, force est de constater que nous sommes aujourd’hui dans une situation qui nous ramène aux niveaux des années 1980, malgré les politiques mises en œuvre. Ensuite, les économistes commencent à manquer d’idées. Interrogés sur ce qu’il faut faire dans une situation de crise, ils répondent qu’il faut soutenir l’économie, donc faire du déficit public – ce qu’ils disaient déjà en 1974. Preuve que l’on a progressé, ils ne se prononcent pas pour une allocation spéciale d’attente, préférant la solution du chômage partiel massif, tant en France qu’en Allemagne. Les salariés ne quittent ainsi pas leur emploi, ne sont pas stigmatisés comme chômeurs et conservent leur capital humain.
Y a-t-il une réforme structurelle à engager pour lutter contre la crise ?
Il n’y a pas de réponse nouvelle, sauf celle qui consiste à poursuivre les mêmes réformes, alors que l’on est face à une crise qui pourrait déboucher sur une remise à plat totale de la manière de penser. Elle peut même être révélatrice de phénomènes que l’on n’avait pas compris, notamment sur le marché du travail ou les salaires.
On reste donc dans des schémas néoclassiques ; les bourgeonnements évoqués dans cet ouvrage par Annie Cot aident à la réflexion économique, mais pas le décideur public. Tout laisse à penser que la pensée classique sera bouleversée par la situation actuelle. Tout le monde continue ses réformes : en France, on met en œuvre des réformes « libérales » ; aux États-Unis, les démocrates laissent filer le chômage, tout en s’apercevant que le pays compte beaucoup plus de chômeurs que de chômeuses, et que ce sont les hommes qui font les frais de la crise sans qu’aucun modèle n’explique ce phénomène. Même observation pour la France. D’aucuns diront que les femmes sont moins payées. C’est oublier que les Américains continuent à augmenter le salaire minimum. Si, en sortie de crise, l’économie américaine repart, si son taux de chômage tombe à 6 % et s’il est supérieur en France, avec un salaire minimum équivalent, il faudra tout repenser. Alors même que l’on estimait en France que le coût du travail était trop élevé et qu’il fallait le baisser, de jeunes économistes américains, David Card et Alan Krueger, publient Myth and Measurement: The New Economies ofthe Minimum Wage en 1995. Tous les économistes, constatent-ils, estiment que le salaire minimum est mauvais pour l’emploi. On a aujourd’hui un changement politique qui peut nous révéler si ce dispositif a un effet. La même réflexion a eu lieu en Grande-Bretagne, qui vient de se doter d’un salaire minimum, équivalent à celui de la France. Mais aucune étude n’a réussi à mettre en évidence un effet significatif sur l’emploi.
On est donc en permanence face à des changements de paradigmes. Aujourd’hui, face à une crise, on semble être certain de ce qu’il faut faire en matière d’emploi. Les économistes sont sûrs de leurs fondamentaux – faire de la formation, de la flexisécurité. Mais peut-être devront-ils, dans trois ans, face aux faits, totalement réviser leur manière de penser, ce qui ne manquera pas de conduire à des bouleversements politiques majeurs. En conclusion, on peut retenir que l’économiste et l’expert ont un rôle majeur à jouer sur la décision publique. Nous sommes à la fois dangereux, tout en pouvant apporter parfois des solutions.
Vidéo : Le marché du travail : La prévalence des schémas classiques
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