Comment interroger les postulats fondateurs de l’économie : Un marché au service de l’homme universel
Malgré l’intensité des critiques, qui plus est produites par des autorités au sein de la discipline, comment se fait-il que sa réforme soit si lente et se fasse si mal ? Selon moi, ce sont les postulats qui font l’identité même de l’économie et de l’économiste qui sont en cause. Les questionner conduit à s’aventurer dans des terrains hautement problématiques sur lesquels, même pour des gens de bonne volonté, il est difficile de se repérer. S’y aventurer conduit à se rendre étranger à la communauté des économistes.
Comment caractériser les postulats de la science économique ? Il me semble qu’il en existe deux principaux. Le premier est l’idée que la société est composée d’individus qui poursuivent chacun leur intérêt ; ceux-ci coopéreraient par l’intermédiaire du marché mais aussi par la construction d’institutions. Le deuxième est que la science économique s’intéresse à l’homme universel ; elle est à la recherche des arrangements qui seraient efficaces en tout point de la planète pour améliorer le fonctionnement de l’économie et de la société. Lorsque les économistes du Fonds monétaire international (fmi) et de la Banque mondiale s’intéressent à la situation du Gabon ou du Congo, ils proposent de mettre en place les meilleures pratiques, qui ont fait leurs preuves dans les pays industriels. Ce faisant, ils considèrent que l’on doit chercher ce qui a donné des résultats dans un pays quelconque et le répandre. Seraient prioritaires la mise en place de marchés et la sécurisation des droits de propriété.
Par ailleurs, dans son aspect évaluatif, la science économique considère qu’il va de soi – hypothèse très peu discutée – que l’on peut apprécier l’apport de l’économie au bien-être des humains au moyen d’agrégats qui évaluent le volume des biens et services en prenant leur valeur de marché corrigée par des indices monétaires pour tenir compte de l’évolution des prix. Soit deux états, A et B. Si l’ensemble de biens et services est supérieur dans A, cet état est réputé meilleur. Aussi est-il considéré comme allant de soi que la croissance économique est porteuse de bien-être. Ce point a été fortement discuté dans les années 1970, oublié pendant longtemps, et refait surface aujourd’hui.
Les approximations que réalise la science économique sont-elles innocentes ou altèrent-elles de manière radicale les enseignements, les prescriptions que l’on peut tirer d’une approche économique ? Lorsque l’on regarde de près comment les individus se comportent, on s’aperçoit que l’on est loin de ses postulats. Prenons la notion de contrat, notion de base pour les économistes. Une littérature économique considérable porte sur l’incomplétude des contrats et les moyens de la pallier. Alors que dans le monde réel, on n’arrive pas à définir des contrats complets, prenant en compte toutes les éventualités susceptibles d’avoir lieu, comment se fait-il que l’on parvienne tout de même à passer des contrats, ce qui, selon une logique économique traditionnelle, est incompréhensible ? On observe une extrême sophistication des travaux, intellectuellement très respectables, qui tendent à expliquer comment cet obstacle est surmonté, en se situant dans une perspective universaliste. Or j’ai eu plusieurs occasions de m’intéresser à cette question, notamment en dirigeant deux thèses : l’une a porté sur les rapports contractuels entre entreprises chinoises ; l’autre sur des relations contractuelles entre le gouvernement libanais et une entreprise française. Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de travailler avec edi sur ses rapports contractuels avec des clients industriels. Dans les trois cas, la réalité du rapport contractuel était extrêmement distante de la théorie.
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