Économie et créativité : Les entreprises créatives bientôt au cœur du système industriel ?
L’année 2009 fut une année de convergence assez extraordinaire. L’Union européenne décida d’en faire celle de la créativité. L’Organisation de coopération et de développement économiques (ocde) associa ce même thème aux questions d’éducation. Un ensemble d’économistes italiens publia un texte très intéressant sur le sujet. Des régions entières, comme l’Ontario, décidèrent d’en faire un levier de prospérité. Enfin, en décembre 2008, un collectif d’économistes de tous les pays, notamment en voie d’émergence, publia un rapport sous l’égide de I’onu.
L’enjeu de la créativité est mondial et concerne tous les pays, même les plus pauvres : comment partir d’idées créatrices et être capable de les équiper pour en faire des produits qui se vendront à l’échelle mondiale ? L’économie brésilienne, chilienne ou celle du Botswana recèlent d’exemples où, grâce à la prise en compte de la créativité, des produits, des techniques ou des services locaux ont pu être assortis de capacités économiques suffisantes pour devenir des succès mondiaux. Aussi le rapport de I’onu ouvre-t-il des perspectives nouvelles dans tous les secteurs, y compris les plus traditionnels.
Tous ces rapports soulignent que nous avons vécu un certain nombre d’étapes depuis la société industrielle. Selon eux, sachant mieux gérer la connaissance, nous sommes parvenus au moment où peut se développer une société créative et où l’on observe un grand renversement. Au xx1‘ siècle, le cœur du secteur industriel était occupé par l’industrie manufacturière, le centre par des industries de service, et la périphérie par les activités culturelles. Dans un tel ordonnancement, la croissance économique est évidemment tirée par les industries manufacturières. Les activités avaient tendance à se concentrer là où elles étaient situées. Elles élaboraient des principes de gestion qui se diffusaient partout, y compris dans les industries périphériques culturelles. Ceux de Toyota ou General Motors finissaient par s’imposer, y compris dans les banques.
Le rapport de I’onu, comme d’autres, suggère que nous avons atteint un point de rupture, du moins de changement de nature du système industriel. Depuis les années 1990, la croissance économique des industries créatives est deux fois supérieure à celle des services classiques, et quatre fois supérieure à celle des industries manufacturières. Avec la crise, ce paramètre s’accentue, leur croissance devenant de plus en plus forte, même si elles sont également touchées par cette dernière. Quant à l’évolution des activités, Richard Florida suggère de décomposer la classe des services en deux. Les services répétitifs, d’un côté, et, de l’autre, ceux qui concernent deux activités créatrices : la résolution de problèmes
- consultants, financiers… – et la création de la connaissance
- scientifiques, artistes. Pour Florida, c’est cette dernière qui croît. À titre de rappel, la notion d’« industrie créative » a été définie, en 2001, par une liste de quinze activités, dont la recherche et le développement (r dr d), qui représentent 40 millions d’emplois.
Tous ces rapports soulignent également que l’on serait proche d’un seuil où, petit à petit, les industries créatives s’installeraient au cœur du système industriel, tirant la croissance économique. Les services interviendraient toujours en support, les industries manufacturières prenant la place périphérique. Les activités seraient réparties en fonction des lieux où iraient s’installer ces industries. Leurs principes de gestion tendraient à devenir dominants et seraient progressivement adoptés par tous. La prise de décision et la conception du management des entreprises connaîtraient ainsi de très profondes mutations.
Telles sont les hypothèses du rapport de I’onu, dont se dégagent trois enjeux. Premier enjeu : si ces hypothèses se vérifient, comment vont s’articuler les structures hiérarchiques et les structures informelles de créativité, celle-ci ne se décrétant pas par une décision hiérarchique ? Comment l’espace créateur de l’économie et l’espace hiérarchique, indispensable pour assurer l’allocation des ressources, vont-ils se rencontrer ? Deuxième enjeu : comment
éviter une créativité élitiste, une Creative apartheid dans la société ? Même dans les entreprises qui abritent des créateurs, on trouvera des administratifs qui ont des tâches de comptabilité, l’équilibre entre ces deux catégories n’étant pas toujours facile. Troisième hypothèse : il a fallu au moins cinquante ans pour que le modèle taylo- rien se diffuse. En faudra-t-il autant pour la créativité ? Il est important d’y réfléchir dès maintenant.
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