Economie : Une tolérance variable aux inégalités
Une telle ambition n’est pas irréaliste. Il existe actuellement des pistes de recherche tendant à prouver que l’économie pourrait relever le défi. Dans la théorie économique néoclassique, tous les agents regardent droit devant eux et essaient de maximiser quelque chose, l’ensemble tendant vers la société optimale. Cette vision caricaturale de la société, cible facile de ceux qui critiquent l’économie sans la connaître, n’a cependant plus grand-chose à voir avec l’économie contemporaine, qui est en mesure de répondre aux critiques les plus immédiates du paradigme néoclassique.
Première critique : certains acteurs ne sont pas des maximisateurs et souhaitent seulement maintenir leur niveau de richesse, voire le réduire dès lors qu’ils sont ascètes. Modéliser des comportements non motivés par l’appât du gain n’est pas du tout insurmontable pour l’économie. Elle a plus de mal lorsque le comportement d’un tel est lié à celui d’un autre. Mais là aussi, la modélisation est possible, grâce à des techniques dérivées des modèles physiques d’interactions entre particules. On l’a fait essentiellement dans la théorie financière, où les modèles prennent en compte le mimétisme. Ils montrent d’ailleurs que les systèmes financiers, dans certaines conditions, peuvent être tout particulièrement instables.
Deuxième critique : pour traiter ce genre de questions, il faudrait des modèles dynamiques avec frottements, alors que la plupart déterminent des équilibres en réalité jamais atteints. Certes, mais de tels modèles dynamiques existent aussi, même s’ils sont loin d’être fréquents. Traiter conjointement des questions de croissance et d’inégalités est donc à portée de l’économie, si elle consent à changer de modèles mathématiques pour pouvoir prendre en compte d’autres types de comportements.
Reste qu’en procédant ainsi, il faudra reconnaître l’impossibilité d’établir des lois générales, valables en tout lieu et tout temps, de l’inégalité ou de la croissance. Si l’articulation inégalité/croissance dépend de la vision qu’ont les gens de l’inégalité tolérable dans leur territoire et de la volonté des États de rattraper plus ou moins vite d’autres États, puisque ces deux données, exogènes à l’économie, sont susceptibles de varier dans le temps et d’être très différentes d’un pays à l’autre, alors on ne peut établir de loi générale des inégalités. Or, on sait bien que certaines sociétés tolèrent beaucoup plus l’inégalité économique que d’autres, la France étant, avec les pays nordiques, l’une des sociétés qui la tolèrent le moins. L’Inde, en revanche, semble avoir un degré de tolérance nettement plus élevé. C’est une illustration de l’enchâssement des mécanismes économiques dans des données sociétales qui peuvent être variables d’un pays à l’autre et dans le temps.
Il est donc impossible de prétendre établir des lois générales par l’économie. Cependant, pour autant que les attitudes sociales d’une part, les grands traits des politiques économiques d’autre part, sont relativement stables dans le temps, il est possible d’établir des lois, mais pour des périodes et des territoires donnés. On peut faire l’économie du rattrapage des Etats-Unis par l’Europe ou par le Japon durant les Trente Glorieuses. Mais on changera nécessairement de modèles dynamiques lorsque l’on passera aux années 1980, dès lors que l’on en viendra à la globalisation.
Bref, il y a une diversité de capitalismes, dont les déterminants ne sont pas uniquement dans l’économie. Les modèles qui permettraient de mieux appréhender des inégalités ne sauraient être normatifs. L’économie ne peut pas dire quel est le « bon » niveau d’inégalité. Cette appréciation dépend d’une préférence collective spécifique à une population donnée.
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