Inégalités et croissance dans la théorie économique
Dans un premier point, interrogeons les raisons pour lesquelles l’essentiel de la théorie économique traite mal la question des inégalités. Les rapports entre inégalité et croissance occupent l’économie politique depuis fort longtemps. Ils ont fait l’objet d’un célèbre débat entre David Ricardo et Thomas Malthus. Dans une lettre à ce dernier, Ricardo écrit en substance que l’on ne peut rien dire de solide et de scientifique sur la croissance de la richesse. En revanche, il affirme qu’on peut établir des lois scientifiques sur sa répartition, Malthus prétendant, pour sa part, que l’on pouvait théoriser la croissance. Dès le départ, donc, la question de savoir si l’économie doit s’intéresser à la croissance — l’efficacité, dirait- on aujourd’hui – ou à la répartition est ouverte. Marx – le dernier des grands classiques – traitera ensemble la croissance – la dynamique du capitalisme – et ses effets de répartition, à partir de la mise à jour de lois tendancielles. La question de la répartition et des inégalités était donc très présente chez les classiques. Ensuite, elle va disparaître progressivement. De fait, tout le développement ultérieur de la théorie économique va se concentrer sur l’efficacité. La répartition résultera alors mécaniquement de la recherche d’une efficacité maximum. Ce que reçoivent les uns et les autres dans le système économique dépendra de la productivité marginale des facteurs de production qu’ils possèdent, la productivité marginale étant déterminée par le fonctionnement des marchés. L’économie théorique des dernières décennies n’a pas remis en cause ce paradigme ; son apport essentiel a consisté à tenter de modéli- ser des marchés très imparfaits, ce qui d’ailleurs change beaucoup de choses à la répartition de la richesse produite.
Le deuxième facteur, de nature différente, qui peut avoir de l’influence sur les inégalités, réside dans l’action de l’État. L’économie s’intéresse à l’efficacité du fonctionnement des marchés. Ceux-ci produisent mécaniquement un certain niveau d’inégalités.
Si ce niveau est jugé insatisfaisant politiquement, l’État est légitime à intervenir pour modifier la répartition issue de leur libre fonctionnement, à la seule condition qu’il le fasse de la manière la plus neutre possible, c’est-à-dire en agissant sur la répartition des droits de propriété plutôt que sur le fonctionnement des marchés eux-mêmes. Le statut de l’inégalité dans ce courant de la pensée économique est donc complètement subordonné et n’a plus l’importance que lui conféraient les classiques. Surtout, l’inégalité n’est pas pensée en interaction avec la croissance.
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