Internet et numérique : Vers un marché parfait ?
Quatrième enjeu : une concurrence par les business models plus que par les produits et les services. La croissance des services et du commerce électroniques est soutenue. Leur développement est d’autant plus important que le nombre des internautes et des acheteurs en ligne ne cesse d’augmenter. Les sites marchands couvrent des secteurs très différents – contenus culturels, voyages, fleurs, produits électroniques, produits de grande consommation, services personnels… Dans l’histoire – jeune – de l’économie de l’Internet, on a assisté à des glissements successifs et au passage de modèles marketing de pure players, qui n’exercent leur activité que sur Internet – comme Amazon et eBay -, à la montée en puissance d’entreprises installées, à des sites qui proposent aussi la commercialisation de services, à des activités ne relevant pas simplement du business to consumer., mais aussi du business to business. Ils structurent des marchés autant qu’ils proposent des produits.
S’agit-il vraiment d’une évolution vers des marchés parfaits, comme l’a suggéré – un temps – la théorie économique ? Avec plus d’échanges et de transactions réalisées à l’échelle mondiale, on peut bénéficier en effet d’une efficacité accrue des marchés, plus de transparence sur les offres disponibles et, dans la mesure où l’on est toujours « à un clic du concurrent », une pression à la baisse et au resserrement des prix. En pratique, on s’est aperçu toutefois que les marchés n’étaient pas si parfaits que cela, du fait notamment de facteurs favorisant la collusion : le nombre de firmes est limité et les possibilités d’observation des comportements de chacun sont accrues. Dans le cas du disque, par exemple, les travaux de Thierry Pénard, en France, ou d’Erik Brynjolfsson, aux États- Unis, sur la comparaison des prix des CD vendus sur Internet ont mis au contraire en évidence que le marché était imparfait et qu’il existait des variations parfois significatives, y compris en intégrant la question de la livraison.
Aussi observe-t-on, sur le marché français, des différences qui peuvent aller jusqu’à près de 30 % d’écart et, en outre, des variations quotidiennes des prix significatives pour les mêmes fournisseurs (5 % en moyenne). Tout laisserait penser que l’on a affaire à un marché où le prix n’a pas de raison de varier considérablement. Or tout se passe, en matière de disques, comme avec les billets d’avion. Quand on achète un Paris/New York aujourd’hui, on n’est pas assuré que le prix d’achat que l’on se voit proposer sera le même la semaine suivante. Même en matière de CD, on observe des variations de prix au jour le jour, les stratégies étant relativement différentes entre les offreurs.
L’hypothèse du marché parfait est donc largement battue en brèche par les faits : les acteurs du commerce électronique s’organisent autour de plusieurs ressources-clés, à la fois en jouant sur la relation aux produits et services, sur la relation aux territoires, sur la capacité de maîtriser les informations et la technologie et de reconfigurer en permanence les business models et la fixation des prix. Avec l’exemple de la musique sur Internet, on comprend 1 enjeu — et les difficultés intrinsèques — de la loi Hadopi : son modèle repose sur la vente de disque d’un côté, le téléchargement gratuit de l’autre. Or la musique en ligne n’a plus rien à voir avec un tel schéma binaire. Elle passe par des téléchargements, mais aussi par des écoutes, des abonnements, des offres gratuites légales… Face à cette innovation constante, on observe le grand décalage des modèles de régulation, qui ne font, en fait, le plus souvent que réguler l’étape précédente.
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