La période contemporaine de l’histoire des crises économiques et l’évolution des savoirs : La question de l’information
La question de l’information est évidemment centrale lorsque l’on tente de comprendre ce qu’est une crise économique ou une crise financière. Si l’on admet, en effet, que la crise est un moment du cycle d’affaires, on doit aussi accepter l’idée que l’une des raisons qui explique la naissance des cycles — que ceux-ci soient exogènes ou endogènes — est précisément l’incapacité des agents économiques à anticiper avec précision une information qui n’est pas seulement imparfaite mais incomplète. En effet, à moins de postuler à la fois l’hypothèse d’anticipations rationnelles, la notion de marché efficient et la contrainte de marchés toujours ajustés (ce que font la plupart des défenseurs de la nouvelle école classique), si le cycle est exogène, il n’y a, a priori, aucune raison pour que les agents soient en mesure de prévoir le choc qui en constituera l’impulsion et de se coordonner pour éviter ou réduire rapidement un dés ajustement entre leurs anticipations et les grandeurs effectives. Si le cycle est endogène, par nature, la question de l’information est alors plus centrale encore car l’absence de coordination qui lui est liée est en fait la raison principale de l’existence de fluctuations auto entretenues.
Par ailleurs, nous savons que le recours à la théorie des marchés efficients et à la notion de valeur fondamentale suppose qu’un marché se caractérise par le fait que, dès qu’une information nouvelle concernant un actif existe, elle est instantanément et complètement incorporée dans le cours des titres qui se modifie instantanément en conséquence. On peut contester ce point de vue et on a beaucoup de bonnes raisons pour le faire.
Tout d’abord, l’usage de la notion de marché efficient est soumis au respect simultané de multiples « conditions héroïques » : le recours à la théorie de l’utilité espérée pour caractériser le comportement d’investissement des agents ; la libre circulation de l’information et l’hypothèse de l’instantanéité de la réaction individuelle à la réception de cette information ; l’absence totale de coûts de transaction sur le marché (incluant les coûts de recherche, de traitement et de contrôle de l’information ainsi que les coûts liés au prix des transactions elles-mêmes) ; et l’hypothèse d’atomicité des agents.
Ensuite, il n’est pas évident que l’on puisse opérer un recensement complet des informations objectives que tous les agents sont capables de percevoir. On se souvient ainsi de Hayek pour qui un certain nombre d’indices macroéconomiques comptables (tels que le niveau général des prix ou le produit national brut) n’ont strictement aucun sens pour des agents individuels seulement attentifs à percevoir des grandeurs qui ont une signification dans leur univers subjectif, tels les coûts de sa propre production pour un entrepreneur individuel.
L’existence d’asymétries d’information, de comportements mimétiques ou adaptatifs, d’effets de taille, d’effets temporels… remet également en cause la définition usuelle de la notion de valeur fondamentale et ne peut être passée sous silence lorsque l’on explique la réalité historique des crises économiques.
Enfin, l’importance des innovations comptables et financières est considérable quelle que soit la période considérée et la présence de telles innovations constitue une bonne raison de remettre en cause l’hypothèse de complétude de l’information.
( Cependant, il faut bien comprendre que même si l’on ne formule pas ces objections à l’encontre de la théorie des marchés efficients, cette dernière continue de faire à sa façon de l’informa- i ion une ou peut-être la question cruciale de la théorie des crises marchandes.
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