Le levier de l’innovation en manque d’incitations : Une perte de dynamisme antérieure à la crise
La tendance au déclin du dynamisme économique, qui a affecté les Etats-Unis depuis une décennie environ et les pays européens depuis beaucoup plus longtemps, constitue la deuxième menace. Au fond, c’est bien avant la crise que les signes d’un déclin de dynamisme économique sont apparus. En ce qui concerne l’Europe, les progrès effectués durant les Trente Glorieuses ne sont pas à mettre au crédit des capacités d’innovation des pays européens mais bien plus à celui de leur aptitude au rattrapage. Et quand bien même des innovations importantes ont pu être engendrées en Europe, ceci n’est pas suffisant pour conclure à un fort dynamisme économique. L’atonie de l’innovation sur le continent européen est observable depuis au moins deux décennies. En conséquence, l’activité d’investissement est faible, la croissance de la productivité est lente ; et la faiblesse de l’activité d’investissement n’est pas compensée par les exportations. Les États-Unis ont désormais rejoint l’Europe en montrant des signes structurels d’affaiblissement de leur dynamisme. Durant la dernière décennie, le secteur financier s’est de plus en plus désintéressé du financement des activités industrielles et commerciales. Et le secteur des industries et des services s’est lui-même centré de plus en plus sur une logique court-termiste, sous la pression des objectifs financiers trimestriels. La production des technologies de l’information et leur usage productif ont décliné. Ce n’est donc pas une surprise si la productivité américaine a connu une croissance beaucoup plus faible depuis 2003 et si les investissements productifs n’ont pas retrouvé le niveau atteint durant les années correspondant à l’explosion Internet. Si l’on écarte pour un moment l’apparition toujours possible de ruptures non anticipées, il semble que les innovations actuelles n’engendreront que des évolutions incrémentales qui ne peuvent déboucher sur des résultats favorables en termes de productivité et d’emploi.
Au moins trois changements institutionnels seraient nécessaires pour rétablir les conditions favorables à l’accroissement du dynamisme économique (Foray et Phelps, 2010). Le premier tient à la réorganisation du secteur financier pour que celui-ci retrouve sa mission fondamentale qui est de servir les secteurs industriels et commerciaux. L’institution d’une nouvelle classe de banques qui seraient spécifiquement dédiées au financement de l’innovation, à l’image du système de crédit à l’agriculture établi aux États-Unis, constituerait un progrès éminent.
Le deuxième changement est relatif aux réformes nécessaires de la gouvernance d’entreprise. Même si l’on a toujours observé des comportements de manager privilégiant le court terme au détriment d’une vision de long terme, ces comportements se sont exacerbés avec la prise de contrôle financier des compagnies par les fonds de placement. Ceux-ci réclament désormais le respect d’objectifs financiers trimestriels qui sont évidemment hostiles au développement d’une stratégie fondée sur la recherche et l’innovation. Un meilleur alignement des logiques de management de ces fonds avec les objectifs de long terme des entreprises serait donc souhaitable en vue de libérer celles-ci de la tyrannie des objectifs trimestriels.
La troisième réforme devrait corriger la façon catastrophique dont certains risques sont aujourd’hui traduits en prix. L’idée dominante selon laquelle les agences de notation peuvent estimer l’incertitude associée à tel ou tel type d’obligations et le secteur financier réduire ces risques en vendant des instruments de couverture des risques de crédit (crédit default swaps) ont engendré des prix incorrects sur un grand nombre d’actifs financiers ; ce qui a logiquement généré des comportements d’excès d’emprunt et d’excès de prêt par les banques et les autres entreprises financières. Le fait de les forcer à internaliser les risques des actifs qu’elles acquièrent les poussera normalement à se ré intéresser à l’investissement dans d’autres activités où les risques sont mieux compris notamment le crédit aux entreprises innovantes et l’investissement dans l’innovation.
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