La période contemporaine de l’histoire des crises économiques et l’évolution des savoirs : Le retour des crises
Depuis 1970, une tendance lente mais certaine se fait jour et conduit à enregistrer des taux de chômage plus importants que par le passé. Les raisons de ce retournement ont été longuement discutées. Certains y voient l’illustration de l’échec des politiques keynésiennes et l’effet de la trop grande rigidité du marché du travail, notamment en Europe. D’autres évoquent l’amorce de la phase de dépression d’un cycle long. On se réfère aussi à la naissance puis à l’essor du phénomène de la mondialisation et à ses effets sur les pays anciennement industrialisés. En revanche, l’inflation recule, notamment du fait que, depuis les années 1970, les politiques économiques sont devenues anti-inflationnistes.
Dans le cadre d’une domination croissante des conceptions monétaristes, l’objectif principal de la politique économique devient en effet le contrôle de la masse monétaire. Cette montée du monétarisme se prolongera jusqu’à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et culminera lors de l’émergence de la nouvelle école classique, qui estime entièrement inefficace et nocive la politique économique, quelle qu’elle soit. Les agents économiques sont en effet supposés dotés d’anticipations rationnelles : ils peuvent anticiper et mettre en échec des mesures de politique monétaire active ou même monétariste, par exemple.
Cette vision se modifie vers 1985 et l’on va assister- le retour des crises s’intensifiant encore – à un retour de balancier et à un renouveau de certaines des idées keynésiennes. C’est ce que l’on a d’abord appelé la nouvelle économie keynésienne puis, par l’incorporation de certaines des idées de la nouvelle école classique(comme le modèle d’équilibre général dynamique stochastique), la nouvelle synthèse keynésienne, sorte de renaissance de la pensée qui prévalait pendant les Trente Glorieuses, même si le contexte et les objectifs de ses bâtisseurs sont totalement différents. À la tête de la Réserve fédérale américaine (fed), par exemple, Ben Bernanke, qui combine des idées keynésiennes pour le court terme et des idées plus néoclassiques pour le long terme, en est une figure emblématique.
Enfin, depuis 1970, on assiste également à un retour toujours plus marqué des crises, ce qui correspond à un changement considérable par rapport à la période des Trente Glorieuses. Ainsi après les deux chocs pétroliers des années 1970, le krach américain d’octobre 1987, la crise japonaise des années 1988-1993, la crise asiatique de 1997-1998, la crise russe d’août 1998, le « krach lent » de la nouvelle économie à partir de mars 2000, les crises financières de pays émergents tels que la Turquie en 2000 et l’Argentine en 2001 se sont succédées jusqu’à la présente crise économique et financière qui a commencé en 2007. Ces crises sont évidemment de nature fort différente. Il n’en demeure pas moins que leur accumulation et surtout l’éclatement de la crise des subprimes nous invitent à revenir sur le savoir économique relatif aux crises accumulé depuis les premières réflexions de l’école classique et à réexaminer son actualité et sa pertinence. En termes d’analyse du savoir, que peut-on tirer de l’examen de cette histoire des cycles et de leurs perceptions ? Quels en sont les thèmes permanents ?
Un travail exhaustif qui recenserait systématiquement les thèmes évoqués par les commentateurs — historiens ou économistes — lors de l’observation des différentes crises économiques – financières ou réelles – qui ont jalonné l’histoire demanderait un effort considérable qui est loin d’être à la portée d’une contribution comme celle-ci. Toutefois, dans une perspective plus synthétique, nous nous contenterons ici de défendre le point de vue d’un économiste qui, à l’examen des seules crises historiques les plus significatives, tentera de retenir quatre questions analytiques clés. Certes, elles n’épuisent pas la richesse des réalités observées. Peut-être, ne sont-elles même pas suffisantes pour comprendre la complexité du phénomène de crise économique. Elles nous semblent cependant logiquement inévitables si l’on cherche à bâtir une approche aussi générale que possible du déroulement et de la signification économique des crises.
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