Comment penser les frontières de l’économie : L’analyse moderne de la firme bancaire
L’analyse moderne de la firme bancaire débute vraiment à la fin des années 1950 aux États-Unis. Notamment par des travaux empiriques d’économie industrielle appliquée au secteur bancaire. Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas tout à fait fortuits ni anodins, puisqu’ils sont largement motivés par tous les problèmes que rencontre la communauté bancaire américaine du fait d’une réglementation de ses activités désormais jugée de plus en plus contraignante. Cette réglementation, largement consécutive à la crise des années 1930 i,voire héritée de la fin du XIXe siècle), n’a en effet guère évolué depuis cette époque. Ces études ont donc pour but de fournir des arguments à tous ceux qui réclament son assouplissement.
L’analyse proprement théorique des intermédiaires financiers va débuter simultanément sous l’impulsion des travaux de John Gurley et Edward Shaw, d’abord préoccupés par le rôle du système financier dans le développement économique. Selon eux, la banque n’est qu’un intermédiaire financier parmi d’autres – caisses d épargne, compagnies d’assurance — mais qui a la particularité de créer de la monnaie, une source de bien des problèmes, comme nous l’avons vu.
Comme tout intermédiaire financier, elle transmet et affecte l’épargne de certains agents économiques au financement des investissements d’autres agents. Au passage, soulignent Gurley et Shaw, elle transforme qualitativement des titres de dette inscrits à son bilan. Lesquels ? Lorsque l’on contracte un crédit auprès d’une banque, on souscrit une reconnaissance de dette, portée à l’actif de son bilan. Lorsque l’on dépose de l’argent à la banque, celle-ci émet à notre intention sa propre reconnaissance de dettes inscrite au passif. Or, ces dépôts n’ont pas les mêmes caractéristiques que les crédits. Les dépôts sont plutôt, en moyenne, de faible montant et à court terme tandis que les crédits sont, eux, de taille plus élevée et à moyen ou long terme.
Ainsi, tandis que Gurley et Shaw jettent les bases de l’analyse théorique moderne de la banque en la maintenant dans le champ de l’analyse monétaire et financière, les auteurs des travaux empiriques d’économie industrielle déjà mentionnés soulignent que la banque est une entreprise comme les autres, soumise aux mêmes objectifs et aux mêmes contraintes. Voire à des contraintes plus fortes, ce qui, pour certains, serait la source de leur éventuelle spécificité.
Les vingt années qui vont suivre – des années I960 aux années 1980 – ne connaissent pas de percées significatives. Travaux empiriques et développements théoriques, certes nombreux et de plus en plus sophistiqués, coexistent tandis que l’analyse de la banque reste écartelée entre l’approche en termes d’intermédiation et de théorie monétaire, d’une part, et celle en termes de production et de microéconomie de l’entreprise, d’autre part. Les auteurs qui estiment qu’une banque n’est rien d’autre qu’une entreprise qui maximise une fonction d’utilité sous contrainte se heurtent toujours, en effet, à une question liminaire cruciale : Que produit la banque ? Des dépôts à partir de crédits ? Ou l’inverse ? Ou les deux simultanément, mais alors avec quels intrants ?
Par ailleurs, Gurley et Shaw prennent acte de la coexistence des banques et des marchés d’actifs financiers, et soulignent que ces deux modes de financement de l’économie se répartissent en quelque sorte les rôles au gré de leurs efficacités relatives, un principe cher aux économistes !
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