L’économie discutée, Le marché : une fiction théorique
Aussi l’économiste estime-t-il qu’il existe un point d’équilibre entre offre et demande, qui désigne les quantités optimales et le prix optimal. Pourquoi l’est-il ?
Parce qu’il maximise le surplus du consommateur et celui du producteur. Si l’on se place ailleurs, le résultat peut être sous-optimal. Ainsi, imposer un prix supérieur au prix du marché conduit à une demande plus faible, donc à un moindre bien-être collectif. À l’inverse, si l’on estime qu’un prix est trop élevé, justifiant d’imposer au producteur un prix extrêmement bas, l’offre se réduira, et la demande sera très forte.
Résultat : le producteur profitera de cette situation pour créer une rente de situation et vendre à un prix très élevé. Cela s’appelle le marché noir. C’est de cela que l’économie soviétique est morte : elle était entièrement fondée sur la tricherie généralisée. Des produits étaient sur le marché en relativement faible quantité ; ceux qui y avaient accès trichaient.
C’est un point qu’on a du mal à comprendre en France. À première vue, le capitalisme n’a pas l’air très sympathique puisque les motivations de chacun sont l’enrichissement personnel. Le socialisme, lui, est beaucoup plus « moral ». Il n’est qu’à lire la dernière Constitution de I’urss : on y prend en compte les besoins des personnes, on est préoccupé par l’égalité et pour cela on ne fait pas confiance aux marchés mais au plan, fondé sur la raison. Sur le papier, c’est intéressant. Seul problème : le système socialiste suppose que les individus sont honnêtes, par rapport à eux-mêmes et au système. Or une économie socialiste, qu’elle soit chinoise, soviétique ou nord-coréenne bute sur un problème simple : la non-révélation des préférences. Lorsque vous évoluez dans un système où l’on vous limite sur les quantités, vous en ferez le minimum. Dès que vous pourrez tricher, vous le ferez !
Mais si le socialisme ne fonctionne pas, les marchés connaissent, eux aussi, des dysfonctionnements. Voyez le cas des produits agricoles. Pourquoi la loi du marché ne fonctionne-t-elle pas pour ces produits ? Pourquoi faut-il intervenir sur les marchés agricoles de façon récurrente ?
Parce que l’offre y est très inélastique. Les tomates proposées sur le marché de Marmande le matin doivent être vendues, faute de quoi elles seront jetées. Si leur prix tombe brutalement de 2 euros à 50 centimes d’euro le kilo, vous n’en consommerez pas pour autant quatre fois plus. Votre consommation de téléphone portable, elle, peut être multipliée par dix si le prix des unités est divisé d’autant. En agriculture, le point d’équilibre est donc extrêmement instable. Si les tomates sont abondantes sur le marché, les prix baissent dans des proportions beaucoup plus importantes que l’augmentation de la quantité. La semaine suivante, les prix peuvent augmenter brutalement si l’offre est très faible. C’est, dans l’autre sens, ce qu’il s’est passé sur le marché du lait. Avec le boom économique de 2006 et 2007, son prix a beaucoup augmenté. On a alors jugé qu’il fallait démanteler les quotas, pensant que le monde entier manquerait de lait. Puis est arrivée la crise, provoquant un effondrement des prix.
La loi du marché ne fonctionne donc pas sur un marché agricole, du moins sur certains marchés agricoles. Mieux vaut, à Marmande, détruire 10 % de la production de tomates pour que les prix soient corrects et rémunérateurs pour les producteurs. Il faut donc de la régulation, de l’entente entre les producteurs pour que certains ne trichent pas, cachant leur production pour la sortir au moment où les autres ont réduit la leur. Cela suppose une sérieuse coordination. Comme elle est difficile, les marchés agricoles sont en crise récurrente. Dès que la production augmente plus que la demande, les prix baissent. Si vous avez un jardin, vous saviez, en mai 2009, que l’année serait bonne pour les fruits et légumes. Aussi, annoncer que les producteurs de fruits allaient protester cet été-là était très facile. Le marché agricole est typiquement un marché qui ne peut fonctionner tout seul. L’intérêt général commande une intervention.
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