La construction des objets économiques : Une mise en perspective historique du primat proclamé des physiciens
Comment, donc, se construisent aujourd’hui des objets théoriques nouveaux dans le domaine de l’économie ? Encore faut-il se demander si la théorie économique est la même depuis 1945 jusqu’à aujourd’hui. Au cours des années 1970, l’économie a exporté massivement et efficacement des concepts simples auprès des sociologues, des anthropologues, des politistes ou des géographes. Aujourd’hui, elle est dans une position d’importation. L’économie n’exporte plus de concepts, mais en importe : des concepts, des formalismes, des méthodes de pensée, des instruments statistiques, des technologies d’imagerie médicale. À en croire Didier Sornette, les physiciens pourraient dire la vérité sur les marchés financiers et l’économie en général, alors que les économistes ne disposeraient ni des bons instruments, ni des bons concepts. Il y a trente ans, c’était l’inverse et les économistes tenaient le même discours aux sociologues, aux anthropologues et aux politistes. La famille ? Elle pouvait être analysée comme un marché. Faire des enfants ? Un marché, encore. S’engager dans un parti politique ? Un calcul coût-avantage. Cette forme d’arrogance des économistes qui entendaient imposer un modèle aux autres sciences sociales, semblerait aujourd’hui être passée du côté des physiciens, qui affirment la prééminence de leurs instruments théoriques en matière, par exemple, d’analyse des bulles financières. Cette inversion n’est pas nouvelle. Depuis ses origines, la théorie économique a successivement emprunté à d’autres disciplines des pratiques, des instruments de mesure, des formalismes, des modèles ou encore des séquences théoriques.
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